Ce texte soulève de nombreux points, et il convient d’y répondre. Tout d’abord, il est vrai que les étudiants affirment que le blocage leur fait prendre « du retard ». Affirmer qu’il n’y en a pas, c’est nier le retard évident face aux universités qui ne seront pas bloquées (ce retard, qui comme le texte le souligne existe déjà, se trouve amplifié pour une durée indéterminée, à cause du blocage), ou par rapport aux étudiants qui ont les moyens d’étudier chez eux, d’aller à la B.U. même pendant les grèves, etc. De fait, certains seront plus pénalisés que d’autres du blocage.
Mais le véritable problème est ailleurs : une année universitaire a pour but de nous permettre d’acquérir un certain nombre de savoirs, lesquels sont enseignés pendant les cours (même si ceux-ci ne suffisent pas, ils sont nécessaires). Or les cours ne seront pas rattrapés, et les polycopiés envoyés par certains professeurs, outre le fait qu’ils produisent une inégalité entre les étudiants qui peuvent y accéder et les autres, ne remplacent pas un cours (notamment pour certaines matières particulièrement ardues). Il n’y a certes pas de programme sur nos diplômes, mais que valent-ils avec tant d’heures de cours supprimées (surtout pour les licences qui auront vécu et le CPE et la LRU). Même si les professeurs baissent le niveau attendu de la part des étudiants pour ne pas les pénaliser, quelle valeur garde-t-il quand les connaissances des étudiants présentent tant de lacunes ? Un diplôme en soi ne vaut rien, ce sont les connaissances (et la méthode de travail) acquises qu’il est censé refléter qui comptent.
Le texte justifie le blocage comme un « temps de remise à niveau de l’étudiant standard en retard sur le cours ». Mais où va-t-on ?! Un étudiant doit travailler en dehors des cours pour les assimiler, ce temps est prévu dans la répartition des heures. S’il est indéniable que c’est difficile, cela ne justifie en rien une suppression des cours. C’est en s’organisant pour comprendre ses cours que l’étudiant acquiert les réflexes qui lui permettent de travailler vite, bien et beaucoup. On ne peut sacrifier aucun de ces trois paramètres sans entraver l’avenir (étudiant ou professionnel) des étudiants.
Les bibliographies sont utiles, le travail personnel primordial mais les cours sont nécessaires, il convient de le répéter. Le problème est d’abord de comprendre seul, à quoi le texte répond que le temps libre permettra d’y remédier : mais s’il existe des difficultés qu’on résout avec du temps, il en existe aussi que l’étudiant ne peut régler seul. Pour être en lettres classiques, je sais qu’une structure mal identifiée dans un texte empêche de comprendre le texte, peu importe le temps qu’on y met, si on ignore la structure en question. Et les manuels, les grammaires, ne permettent pas toujours à l’étudiant de progresser, ils sont eux aussi une aide qui ne suffit pas. Le dialogue avec d’autres étudiants n’est pas toujours suffisant non plus : c’est le professeur qui détient davantage de connaissances, et non les autres élèves, même si ceux-ci peuvent être d’une grande aide. Néanmoins, ce dialogue entre étudiants est toujours possible entre les cours… Le fonctionnement d’une université comporte certes du travail à la BU, certes des échanges avec les camarades, mais aussi et surtout des connaissances de base déjà préalablement triées qui permettent à l’étudiant d’avoir un point de départ qu’il peut ensuite dépasser.
Les étudiants qui se retrouvent paralysés par la reprise des cours devraient mieux s’organiser s’ils ont du retard à rattraper (ou de changer de filières si le rythme de l’université ne leur convient pas) et pour ceux qui préfèrent que les cours n’aient pas lieu, pourquoi ne proposent-ils pas la suppression pure et simple des enseignants au profit de l’agrandissement de la bibliothèque, qui reviendra toujours moins cher et fera donc plaisir autant à vous qu’au gouvernement ?
Trois points encore :
En ce qui concerne les inégalités entre étudiants salariés et non-salariés le reste de l’année, on peut voir le problème sous deux angles : soit les étudiants devraient pouvoir assister à leurs cours malgré leur travail, soit ils ne devraient pas avoir à travailler. Le débat mérite d’être posé, mais en attendant le gouvernement a penché en faveur de l’aménagement du temps d’études pour permettre le travail, de manière à permettre aux étudiants français qui poursuivent leurs études initiales tout en travaillant de combiner travail rémunéré et études (voir l’article de l’UNI :
http://www.uni.asso.fr/spip.php?article742 ). Toujours est-il qu’on ne pose pas le débat pendant une période de contestation d’une loi précise.
L’actualité sociale (et politique) de l’université reste accessible à tous même sans blocage. Ou bien les étudiants citoyens qui s’y intéressent tout au long de l’année seraient-ils une espèce rare dotée de super-pouvoirs ?
Enfin, je ne considère pas que les étudiants bloqueurs soient des fainéants (du moins pas tous), car cela prend effectivement du temps. Que les étudiants bloqueurs soient convaincus du bien-fondé de leurs actions, et qu’ils y sacrifient leur temps tout autant que nos droits est, à mon sens, un fait acquis.
Enfin, pour finir, une interrogation :
Pour s’enregistrer, il faut lire et s’engager à accepter sans réserve les règles dont celle-ci : « les messages incitant à – ou évoquant – des pratiques illégales sont interdits ». Or le blocage est interdit car il porte atteinte aux droits des étudiants. Si Internet n’est pas un espace de non-droit, il pourrait être dangereux de légitimer une action illégale comme une « aubaine » pour ceux qui en font les frais.