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 La comparaison avec le "modèle américain" fausse l

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AuteurMessage
Nicolas




Nombre de messages : 165
Date d'inscription : 05/12/2007

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MessageSujet: La comparaison avec le "modèle américain" fausse l   La comparaison avec le "modèle américain" fausse l Icon_minitimeMar 18 Déc - 17:22

OUBLIEZ HARVARD

La comparaison avec le "modèle américain" fausse le débat sur la loi Pécresse

Le débat autour de la loi Pécresse sur les universités souffre d'un malentendu fondamental, lui-même résultat d'une ignorance profonde en France de tout ce qui tient aux Etats-Unis. Ce malentendu est malheureusement entretenu par tous ceux à l'extrême-gauche qui voient dans les projets actuels un programme néo-libéral d'américanisation de l'enseignement supérieur. Disons-le : la loi Pécresse n'a absolument rien à voir avec le "modèle américain," et avant d'invoquer l'exemple de Harvard, partisans et adversaires de cette loi devraient prendre le temps de s'informer sur la façon dont cette honorable institution fonctionne.
La première caractéristique de l'université américaine est en effet la séparation stricte entre l’évaluation scientifique (confiée aux seuls chercheurs dans le cadre d'organes scientifiques indépendants), le pilotage stratégique et financier (assuré par des conseils d'administration, les boards of trustees, dans lesquels le secteur privé a une influence variable, mais pas toujours prépondérante), et la gestion administrative et humaine des établissements, relevant de présidents et d'administrateurs étroitement subordonnés aux différentes instances de contrôle externe mentionnées. Dans tout cela, l’Etat n’intervient aucunement. Or, la loi Pécresse consacre un modèle inverse, autoritaire et étatiste : tous les choix proprement scientifiques restent aux mains de l’Etat central, les pouvoirs de gestion et de pilotage sont confiés aux seuls présidents d'université, tandis que chercheurs et conseils élus sont marginalisés.
En France, les diplômes sont validés par l'Etat en fonction de priorités fixées par l'Etat ; aux Etats-Unis, leur création est libre, et leur validation confiée à des experts indépendants choisis par les conférences régionales d'universités. En France, le financement de la recherche est de plus en plus géré de manière centralisée par l'Agence Nationale pour la Recherche, organisme d'Etat dont les experts sont nommés par l'Etat, et qui applique à court terme les stratégies définies par le Ministère. Quel rapport avec les endowments américains, ces fonds gérant de manière indépendante des ressources de long terme ? Quel rapport avec les évaluations américaines de projets de plus court terme, systématiquement confiées à des chercheurs totalement indépendants de l'organisme payeur, a fortiori du gouvernement fédéral, et sans volonté de pilotage en amont ? Quant aux présidents d'universités américaines, des systèmes complexes d'équilibre des pouvoirs les gardent partout sous tutelle, au point que celui de Harvard a dû démissionner l'an passé pour avoir froissé ses administrés par des propos à tonalité misogyne. Political correctness, peut-être, mais l'on est aux antipodes de la concentration des pouvoirs proposée en France....
Parlons aussi argent. En 2006, la recherche universitaire américaine a été financée à hauteur de... 5% par les entreprises, un pourcentage en baisse depuis dix ans, et à 70% par l'Etat fédéral et les Etats fédérés! Les 25% restant provenaient pour l'essentiel des ressources propres des universités, dont nos gouvernants ne semblent pas avoir bien pris la mesure : en 2007, Harvard disposait de 35 milliards (eh oui, milliards) de dollars de fonds propres, rapportant jusqu'à 15% par an, donc une somme équivalente à près d'un quart du budget total du Ministère français de la recherche. Et Harvard n'est pas seule : en 2006, les dix universités américaines les plus riches représentaient une capitalisation de 120 milliards de dollars. L'Etat américain dépense donc beaucoup pour des universités dont certaines sont pourtant déjà fort riches. Bref, le système est très coûteux : peut-on prétendre l’imiter sans s’en donner les moyens financiers ?
Et doit-on même l'imiter ? Si l'on s'en tient strictement au rapport coût/bénéfice, l’université française paraît très … efficace ! A niveau équivalent, malgré des moyens très faibles comparativement, et une dépense par étudiant atteignant à peine le tiers des dépenses américaines, elle parvient à former des chercheurs et maintenir une recherche vivante, en partie grâce à l'acharnement d'universitaires qui ont encore la bêtise de croire en leur mission de service public, en partie grâce à un enseignement secondaire que le monde nous envie malgré nous. Les contempteurs de ce dernier savent-ils que le baccalauréat dévalué qu'ils méprisent fait bénéficier son titulaire, encore aujourd'hui, de l'équivalence d'une première année d'université aux Etats-Unis ? Et si l'on fait référence aux plus prestigieuses institutions américaines, que l'on mette leurs budgets et leurs résultats en relation avec leurs véritables équivalents français, Ecole Normale Supérieure ou Polytechnique, et l’on verra que celles-ci coûtent bien moins cher. L’afflux des « cerveaux » aux Etats-Unis, si souvent déploré, révèle surtout les faiblesses de l'enseignement supérieur américain, incapable de former ses propres cadres dans nombre de domaines scientifiques, et contraint de les acquérir à l'étranger, en Chine, en Inde... ou en France. On ne peut certes se satisfaire de la situation du système universitaire français, désastreuse à bien des égards, mais il ne faudrait pas pour autant idéaliser le système américain, ni croire que la comparaison transatlantique conduit toujours à des conclusions évidentes.
En définitive, les projets actuels sont profondément utopiques; jamais les entreprises françaises ne déverseront les milliards d'euros nécessaires, ce que leurs homologues américaines ne font de toute façon pas, dans un système qui restera sous la tutelle étroite de l'Etat, et dont les perspectives de succès sont loin d'être claires. En définitive, la loi Pécresse ne garde guère du "modèle américain" que la volonté de flexibiliser des recrutements devenus de droit privé, le bâton sans la carotte, en somme. Ce n'est certes pas de cette façon que l'on parviendra à valoriser le statut des chercheurs, ou à dynamiser la recherche. En imposant la présidentialisation à outrance d'universités toujours plus contrôlées par l'Etat dans un contexte de misère budgétaire, ce n’est pas Harvard que l’on imite, c’est l'Académie des Sciences de la défunte Union Soviétique.

Pierre Gervais
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